La superficie change, le centre est – et de façon absolue – éternel, il est au-delà du temps.
Rien ne peut l’affecter, rien ne peut le modifier, rien ne le touche jamais ; il reste hors d’atteinte du monde extérieur.
Allez voir la mer et observez-la. Il y a des millions de vagues, mais dans sa profondeur, la mer reste calme, immobile, profondément en méditation. L’agitation n’est qu’à la surface, là où la mer rencontre le monde extérieur, les vents. Autrement, d’elle-même, elle reste toujours la même, pas une ride, rien ne change…
C’est la même chose avec VOUS. En surface, à la superficie, là où vous rencontrez les autres, il y a de l’agitation, de l’anxiété, de la colère, de l’attachement, de la convoitise, de puissants désirs – juste à la surface, là où les vents se lèvent et vous touchent ! Et si vous restez en surface, il vous est impossible de modifier cette zone de perturbations ; le chaos va se poursuivre. Beaucoup de gens essaient de provoquer une modification à partir de là, à partir de la superficie. Ils se battent, ils essaient d’empêcher toute vague de se lever.
Et à cause de leur lutte, encore plus de vagues apparaissent, car quand la mer se bat avec le vent, il y a encore plus d’agitation : et ce n’est pas dû seulement au vent, la mer s’y met aussi, et il y a un grand chambardement à la surface.
Tous les moralistes essaient de changer l’homme en surface, à sa superficie….. Votre caractère fait partie de la superficie (du superficiel) : vous n’amenez aucun caractère dans le monde avec vous. Vous arrivez absolument sans aucun caractère, une feuille blanche, et la totalité de ce que vous appelez ‘votre caractère’ est écrit par d’autres : vos parents, la société, les professeurs, ce qu’on vous a appris – tout cela est du conditionnement. Vous arrivez comme une feuille blanche et tout ce qui s’écrit sur vous vient des autres. À moins que vous ne redeveniez une feuille blanche, vous ne saurez pas ce qu’est la nature, le naturel, vous ne saurez pas ce qu’est ‘Brahma’, ce qu’est ‘Tao’.
Le problème n’est donc pas comment ne pas avoir un caractère impulsif ingérable, le problème n’est pas d’atteindre l’état sans colère, ou comment ne pas être perturbé – non, le problème n’est pas là. Le problème est : comment faire passer votre conscience de la périphérie, au centre. Car là, soudainement, vous constaterez que vous avez toujours été calme. Vous pourrez alors regarder la périphérie, à distance, et cette distance est si grande, si infinie, que vous pourrez voir les choses comme si elles ne vous arrivaient pas, à vous. En fait, ça n’arrive jamais à VOUS. Même quand vous êtes complètement emporté dans ce qui se passe, ça n’arrive jamais à VOUS : une part de vous reste imperturbable, quelque chose en vous reste hors d’atteinte, quelque chose en vous reste un témoin.
Pour un chercheur, le seul problème est donc comment faire passer son attention de la périphérie, au centre. Comment s’immerger dans ce qui ne change jamais, et ne pas s’identifier avec ce qui n’est qu’en surface, à la frontière avec l’extérieur. À ce niveau, les autres ont une grande influence, car, à la superficie, le changement est naturel. La superficie ne cesse de changer – même la superficie d’un Bouddha change.
La différence entre un bouddha et vous n’est pas une différence de caractère – rappelez-vous le. Ce n’est pas non plus une différence de moralité, ce n’est pas une différence de vertu ou de non-vertu, la différence concerne l’endroit où vous êtes enraciné. Vous êtes enraciné à la périphérie (dans le superficiel), un bouddha est enraciné dans le centre. Il peut regarder sa propre périphérie à distance. Si vous le frappez, il peut le voir, mais comme si vous aviez frappé quelqu’un d’autre, parce que le centre est TELLEMENT loin ! C’est comme s’il était sur une hauteur et que quelque chose se produisait dans la vallée et qu’il pouvait le voir. C’est la première chose à comprendre.
La seconde chose est celle-ci : c’est très facile de contrôler une énergie, c’est beaucoup plus difficile de la transformer.
C’est très facile de contrôler. Vous pouvez contrôler votre colère, mais qu’allez-vous en faire ? – vous allez la refouler. Et qu’arrive-t-il quand vous réprimez quelque chose ? Sa direction change : elle allait sortir, et si vous la réprimez, elle se replie à l’intérieur – c’est seulement sa direction qui change.
Or, c’est une bonne chose que la colère sorte, car le poison doit être évacué. C’est mauvais que la colère se replie à l’intérieur de vous, parce que cela veut dire que tout votre ensemble corps-mental va être empoisonné par elle.
Et si vous faites cela pendant une longue période - et tout le monde fait cela, car la société enseigne le contrôle, pas la transformation…
La société dit : « Contrôlez-vous ! », et avec ce contrôle, toutes les choses négatives sont renvoyées de plus en plus profond dans l’inconscient ; elles deviennent quelque chose de permanent en vous. Peu importe après cela que vous soyez parfois en colère et que d’autres fois vous ne le soyez pas – vous êtes simplement en colère. Parfois vous explosez, parfois vous n’explosez pas – mais vous pourriez trouver un prétexte à tout moment.
Un homme, un de mes amis, voulait divorcer, aussi alla-t-il voir un avocat, un expert en mariage, et il lui demanda : « Pour quel motif est-ce que je peux divorcer ? » L’avocat le regarda et lui demanda : « Êtes-vous marié ? »
L’homme dit : « Oui, bien sûr ! » L’avocat lui dit : « Être marié est suffisant. Il n’est pas nécessaire de chercher d’autres motifs. Si vous voulez divorcer, la seule chose qui soit nécessaire c’est d’être marié – il serait impossible de divorcer si vous n’étiez pas marié. Si vous êtes marié – ça suffit ! »
Et là, c’est la même chose : VOUS ÊTES EN COLÈRE. Vu que vous avez tellement réprimé votre colère, il n’y a plus aucun moment où vous n’êtes pas en colère ; au mieux, vous êtes parfois moins en colère… et parfois plus. Tout votre être a été perverti par la répression : vous mangez en colère – et il y a une qualité différente quand une personne mange sans colère : c’est beau à voir, car la personne mange sans violence ; même si elle mange de la viande, elle mange sans violence. Il est possible que vous ne mangiez que des légumes et des fruits, mais si votre colère a été réprimée, vous mangerez avec violence.
Par le fait même de manger, vos dents, votre bouche libèrent la colère. Vous mâchez votre nourriture comme si elle était votre ennemie. Et rappelez-vous, quand les animaux sont en colère, que font-ils ? Seulement deux choses leur sont possibles – ils n’ont pas d’arme, pas de bombe atomique, que font-ils ? Ils vont vous attaquer soit avec leurs griffes, soit avec leurs dents. Ce sont les armes naturelles du corps : les griffes et les dents. Vous ne pouvez pas faire grand chose avec vos ongles parce que les gens vont dire « Êtes-vous un animal ? » La seule chose qui vous reste pour exprimer facilement votre colère, ou votre violence, est la bouche – mais là aussi vous ne pouvez pas mordre les gens. C’est pourquoi l’on dit ‘mordre à pleine dents’, une tranche de pain par exemple, ou une ‘bouchée’ de nourriture, quelques bouchées… (en anglais le mot bite veut dire bouchée ou morsure – le verbe to bite veut dire mordre)
Vous mangez votre nourriture avec violence, comme si la nourriture était votre ennemie.
Et rappelez-vous, quand la nourriture est votre ennemie, elle ne vous nourrit pas RÉELLEMENT, elle nourrit tout ce qui est malade en vous. Les gens qui ont profondément réprimé leur colère mangent davantage. Ils accumulent plus de graisse dans leur corps – et avez-vous remarqué que les personnes en surpoids sont presque tout le temps en train de sourire ? Sans raison, même s’il n’y a rien de particulier, les personnes en surpoids sourient tout le temps. Pourquoi ?
Ce n’est que sur leur visage, c’est un masque : elles ont tellement peur de leur colère, de leur violence, qu’elles sont obligées de conserver un sourire sur leur visage – et elles mangent systématiquement trop.
Manger plus que nécessaire est de la violence, de la colère. Et cela va s’étendre à tous les aspects de votre vie : si vous faites l’amour, ça ressemblera plus à de la violence qu’à de l’amour, ce sera très agressif.
Comme vous n’avez pas l’occasion de voir d’autres personnes faire l’amour, vous ne vous rendez pas compte de ce qui se passe ; vous ne pouvez pas savoir ce qui vous arrive, car vous êtes presque toujours dans un processus d’agression.
C’est pourquoi un orgasme profond devient impossible. Au fond de vous, vous avez peur - si vous vous laissiez aller sans contrôle - de tuer votre femme, ou votre partenaire, ou de tuer votre mari ou votre partenaire. Vous êtes tellement terrifié-e par votre propre colère !
La prochaine fois que vous ferez l’amour, observez : vous vous verrez faire les mêmes mouvements que ceux que vous faites quand vous êtes agressifs. Regardez votre visage, gardez un miroir prêt de vous pour pouvoir regarder ce qui se passe sur votre visage. Toutes les déformations de la colère et de l’agression y seront présentes.
En prenant votre repas, vous êtes en colère : regardez une personne manger…
Regardez une personne faire l’amour – la colère s’est installée si profond que même dans l’amour, une activité totalement opposée à la colère – même cela est perverti. Manger… une activité absolument neutre, cela aussi est contaminé. Dans le simple fait d’ouvrir une porte, la colère est là, vous posez un livre sur une table et il y a de la colère – car vous êtes maintenant la colère personnifiée !
À cause de la répression, votre mental s’est divisé. La partie que vous acceptez devient le conscient, et la partie que vous rejetez devient l’inconscient. Cette division n’est pas naturelle, elle s’est produite à cause de la répression. Et dans l’inconscient vous mettez continuellement tout ce que la société rejette – mais rappelez-vous, tout ce que vous rejetez là devient de plus en plus une partie de vous : cela atteint vos mains, vos os, votre sang, les battements de votre cœur. Les psychologues disent que presque quatre vingt pour cent des maladies sont causées par les émotions réprimées : s’il y a tellement d’attaques cardiaques cela veut dire que beaucoup de colère a été réprimée dans le cœur – tellement de haine… que le cœur en est empoisonné.
Pourquoi ? Pourquoi l’homme se réprime-t-il autant et devient malade ? Parce que la société vous apprend à contrôler, pas à transformer, et la voie de la transformation est complètement différente. C’est complètement différent du contrôle, c’est même l’opposé. Dans le contrôle vous refoulez, dans la transformation vous exprimez. Mais il n’est absolument pas nécessaire de projeter quoi que ce soit sur quelqu’un d’autre. La prochaine fois que vous piquerez une colère, sortez et faites sept fois le tour de la maison, et puis asseyez-vous sous un arbre et regardez où la colère est partie. Vous ne l’avez pas réprimée, vous ne l’avez pas contrôlée, vous ne l’avez projetée sur personne – parce que si vous la projetez sur quelqu’un, une chaîne de réactions se crée, parce que l’autre est aussi ignorant que vous, aussi inconscient que vous. Si vous la projetez sur quelqu’un… si l’autre personne est une personne éveillée, il n’y aura pas de problème : elle vous aidera à faire sortir cette colère, à vous en libérer à travers une catharsis.
Mais l’autre est ordinairement aussi ignorant que vous – si vous projetez votre colère sur lui, il va réagir. Il va projeter sur vous encore plus de colère, car il est autant dans la répression que vous.
Alors une chaîne d’actions et de réactions se forme : vous l’agressez, il vous agresse, et vous devenez des ennemis l’un de l’autre. Ne projetez rien sur les autres. C’est la même chose que lorsque vous avez envie de vomir : vous n’allez pas vomir sur quelqu’un d’autre ! La colère aussi a besoin d’être vomie.
Lorsque vous avez envie de vomir, vous allez aux toilettes et vous vomissez. Cela nettoie tout votre corps – si vous vous abstenez de vomir, cela peut devenir dangereux et quand vous avez vomi vous vous sentez soulagé, libéré, frais, bien, vous retrouvez la santé. Quelque chose n’était pas bon dans la nourriture que vous aviez prise et le corps la rejette. Ne vous forcez pas à garder cela en vous. La colère est juste un vomi mental. Vous avez pris quelque chose qui n’est pas bon et votre psyché veut le rejeter, et il n’y a aucune raison de jeter cela sur quelqu’un. Parce que les gens projettent habituellement leur colère sur quelqu’un d’autre, la société dit de la contrôler.
Il n’y a aucune raison de projeter sa colère sur quelqu’un. Vous pouvez aller aux toilettes, vous pouvez aller faire une longue marche… il se passe en vous quelque chose qui a besoin d’une activité intense pour pouvoir être libéré. Partez faire un jogging et vous allez voir que ça disparaît, ou prenez un coussin et battez-le, battez-vous avec le coussin, mordez-le jusqu’à ce que vos mains et vos dents se relâchent. En quelques minutes de catharsis, vous vous sentirez déchargé, et une fois que vous connaîtrez cela, vous n’irez plus jamais la projeter sur personne, parce que c’est absolument ridicule.
Dans le processus de transformation, la première chose est donc d’exprimer la colère, mais pas sur quelqu’un, car si vous la projetez sur quelqu’un vous ne pouvez pas l’exprimer totalement. Vous aimeriez peut-être tuer, mais ce n’est pas possible ; vous aimeriez peut-être mordre, mais ce n’est pas possible. Mais cela peut être fait avec un coussin, un oreiller. Un coussin veut dire « déjà illuminé » : le coussin est illuminé, c’est un bouddha. Le coussin ne va pas réagir, il ne va pas vous traîner devant un tribunal, et il ne va garder aucune inimitié contre vous - le coussin, ne FERA rien du tout. Il sera heureux, et il rira de vous !
La seconde chose à se rappeler est celle-ci : soyez conscient. Dans le contrôle aucune conscience vigilante n’est nécessaire, il suffit de le faire mécaniquement, comme un robot. Quand la colère arrive, un mécanisme se met en route – tout votre être se rétrécit et se ferme. Si vous étiez présent, le contrôle ne serait pas aussi facile. La société ne vous enseigne jamais d’être attentif à ce qui se passe en profondeur, car quand quelqu’un est vraiment présent, il est ‘grand ouvert’. Cela fait partie du fait d’être conscient – on est ouvert, et donc si vous voulez réprimer quelque chose et que vous êtes ouvert, c’est contradictoire, il est possible que ce que vous vouliez réprimer s’exprime au contraire. La société vous apprend comment vous refermer sur vous-même, comment vous replier intérieurement – elle ne vous permet même pas une petite fenêtre, car rien ne doit sortir. Mais rappelez-vous : quand rien ne sort, rien ne rentre non plus. Quand la colère ne peut pas sortir, vous êtes enfermé : si vous touchez un superbe rocher vous ne ressentez rien ; si vous regardez une fleur, rien ne vous touche, vos yeux sont morts, fermés.
Vous embrassez une personne, mais vous ne recevez rien, car vous êtes fermé. Vous vivez une vie d’insensibilité.
La sensibilité grandit avec la conscience.
Par le contrôle vous devenez maussade et figé – cela fait partie du mécanisme du contrôle : si vous êtes maussade et amorphe rien ne vous touchera plus, c’est comme si le corps était devenu une citadelle, un fort. Rien ne vous touche plus, ni l’insulte, ni l’amour.
Mais ce contrôle coûte très cher, il a un coût inutile. Ça devient l’effort de toute votre vie : comment vous contrôler ! - et puis il n’y a plus qu’à mourir… L’effort que vous faites pour vous contrôler vous prend toute votre énergie, et puis naturellement vous mourez ! La vie devient quelque chose de sinistre et de mort, vous ne faites que la subir.
La société vous enseigne le contrôle et la condamnation, car un enfant ne va se contrôler que quand il sent que quelque chose est absolument condamnable. ‘La colère c’est mal’, ‘le sexe c’est mal’…, tout ce qui doit être contrôlé doit d’abord être présenté à l’enfant d’une certaine façon pour que ça lui apparaisse comme un péché, pour qu’il reconnaisse que c’est… ‘le mal’ !
Le fils de Mulla Nasruddin grandissait, il avait dix ans, et Mulla pensa : il est maintenant temps, il est assez âgé, les secrets de la vie doivent lui être révélés. Il fit venir son fils dans son bureau pour lui parler des choses du sexe, chez les oiseaux et les abeilles. Et puis à la fin il lui dit, « Quand tu sentiras que ton jeune frère pourras comprendre, tu lui expliqueras tout ça aussi. »
Quelques minutes plus tard, alors qu’il passait dans la chambre des enfants, il entendit que le plus âgé, celui qui avait dix ans, était déjà au travail ! Il disait à son jeune frère : « Écoute-moi, tu sais ce que les gens font, ce truc que les gens font quand ils veulent un bébé ? Papa m’a dit que les oiseaux et les abeilles faisaient aussi ce truc débile. »
Une profonde condamnation s’installe à propos de tout ce qui est vivant. Et le sexe est la chose la plus vivante – elle doit l’être ! C’est la source. La colère est elle aussi une des choses les plus vivantes, car c’est une force de protection. Si un enfant ne pouvait pas du tout être en colère, il serait incapable de survivre. On doit être en colère à certains moments. L’enfant doit montrer qu’il existe, il doit parfois montrer qui il est. Autrement il n’aurait pas de cran.
La colère est belle, le sexe est beau. Mais de belles choses peuvent devenir laides. Ça dépend de vous.
Si vous les condamnez elles deviennent laides. Si vous les transformez elles deviennent divines.
La colère transformée devient compassion – car l’énergie en est la même. Un bouddha est compassion, d’où vient cette compassion ? C’est la même énergie que celle qui constituait la colère, mais maintenant elle n’est plus de la colère, elle est transformée en compassion. D’où vient l’amour ? Un Bouddha est aimant, un Jésus est amour. La même énergie qui constituait le sexe devient amour.
Alors rappelez-vous, si vous condamnez un phénomène naturel, il devient toxique, il vous détruit, il devient destructeur et suicidaire.
Si vous le transformez, il devient divin, il devient un élixir. À travers lui vous parvenez à l’immortalité, vous devenez un être éternel. Mais une transformation est d’abord nécessaire.
Dans la transformation vous ne contrôlez jamais, vous devenez simplement plus conscient. La colère se produit : vous devez être conscient que la colère est là – observez-la ! C’est un phénomène superbe : l’énergie qui bouillonne à l’intérieur de vous, qui s’échauffe !
C’est comme l’électricité dans les nuages.
Dans les temps anciens, les gens avaient peur de l’électricité, ils ne savait pas ce que c’était, ils croyaient que les éclairs manifestaient la colère de leur dieu – il devenait menaçant, il voulait les punir, faire naître la peur pour forcer les gens à l’adorer.
Leur dieu voulait montrer sa présence et menaçait de les punir. Mais nous avons maintenant domestiqué ce dieu là. Maintenant ce dieu fait tourner nos ventilateurs, il fait marcher nos climatiseurs, nos réfrigérateurs – ce dieu vous sert pour tout ce dont vous avez besoin. Ce dieu est devenu une force domestique, il n’est plus en colère, ni menaçant. À travers la science, une force extérieure a été transformée en amie.
En ce qui concerne les forces intérieures, la même chose se produit à travers la dimension religieuse. La colère c’est comme de l’électricité dans votre corps : vous ne savez pas quoi en faire. Ou bien vous tuez quelqu’un, ou bien vous vous tuez vous-même. La société admet que si vous vous tuez vous-même il n’y a pas de problème, ça ne concerne que vous, mais ne tuez personne d’autre ! Et en ce qui concerne la société tout est bien comme ça. Donc vous avez le choix, soit de devenir agressif, soit de vous réprimer.
L’approche réellement spirituelle consiste à voir que ces deux attitudes sont fausses. La chose essentielle c’est de devenir conscient et de découvrir le secret de cette énergie, de cette colère, de cette électricité intérieure. C’est de l’électricité puisque vous vous échauffez. Quand vous êtes en colère, votre température augmente, et vous êtes alors incapable de comprendre le calme d’un bouddha – pourtant, quand la colère est transformée en compassion, tout est tranquille. Une profonde tranquillité est là. Un Bouddha n’est jamais en Ébullition, il est toujours calme, centré, parce qu’il sait maintenant comment se servir de cette électricité intérieure. L’électricité est brûlante, elle est à l’origine de l’air conditionné. La colère est brûlante – elle devient la source de la compassion.
La compassion, c’est l’air conditionné intérieur. Soudain tout est décontracté et magnifique, et plus rien ne peut vous perturber, l’existence entière s’est transformée en amie. Il n’y a plus d’ennemis… quand vous regardez avec les yeux de la colère, l’autre devient l’ennemi ; quand vous regardez avec les yeux de la compassion, tout le monde est un ami, un intime. Quand vous aimez, Dieu est partout ; quand vous haïssez, le diable est partout. C’est votre façon de voir les choses qui se projette sur la réalité.
Une conscience vigilante est nécessaire, pas la condamnation – et avec cette conscience attentive, la transformation se produit spontanément. Si vous devenez conscient de votre colère, une profonde compréhension s’installe - rien qu’en regardant, sans jugement, sans dire ‘c’est bien’ ou ‘c’est mal’, juste en regardant votre ciel intérieur.
Il y a des éclairs, la colère, vous vous sentez fébrile, tout votre système nerveux tremble, vibre, et vous le ressentez dans tout le corps – un magnifique moment, parce que quand l’énergie est en pleine action, vous pouvez la voir facilement ; quand elle est calme vous ne pouvez pas la voir.
Fermez les yeux et méditez sur elle. Ne vous battez pas, regardez seulement ce qui se passe – tout le ciel est rempli d’électricité, plein d’éclairs, quelle beauté ! – étendez-vous simplement sur le sol, regardez le ciel, observez, et puis faites la même chose à l’intérieur de vous.
Il y a beaucoup de nuages, car sans les nuages il ne peut pas y avoir d’éclairs – ce sont des nuages noirs, des pensées.
Quelqu’un vous a insulté, quelqu’un a ri de vous, quelqu’un a dit une chose ou une autre… plein de nuages, de sombres nuages dans votre ciel intérieur, et plein d’éclairs.
Observez ! C’est une très belle scène – terrible aussi, car vous ne comprenez pas. C’est mystérieux, et si le mystère n’est pas compris ça devient terrible, ça vous fait peur. Quand un mystère est compris, il devient pure grâce, un cadeau, car maintenant vous possédez les clés – et avec les clés vous êtes le maître.
Vous n’essayez pas de contrôler la situation, vous en devenez tout naturellement le maître quand vous êtes conscient. Et plus vous devenez conscient, plus profond vous allez en vous, car la conscience est un processus qui vous emmène à l’intérieur de vous ; la conscience va toujours au plus profond : si vous devenez plus conscient, vous êtes davantage à l’intérieur, si vous devenez totalement conscient, vous êtes totalement centré. Au contraire, plus vous vous éloignez, moins vous devenez conscient ; pour finir vous devenez complètement inconscient – vous êtes ‘ailleurs’, hors de la maison, errant quelque part…
L’inconscience est une errance hors de vous-même, la conscience, elle, est un approfondissement intérieur. Alors regardez ! – car quand il n’y a pas de colère, c’est plus difficile de voir : que regarder ?… le ciel est si clair, et vous n’êtes pas encore capable de regarder le vide.
Quand la colère est là, regardez, observez, et vous allez rapidement voir un changement se produire. Dès que l’observateur entre en jeu, la colère commence déjà à se calmer, l’emportement se dissipe. Vous pouvez comprendre que l’emportement vient de vous, c’est votre identification avec lui qui le rend ‘extrême’, mais lorsque vous comprenez qu’il n’est pas aussi fort que cela, la peur disparaît, et vous ne vous sentez plus identifié avec lui, vous vous voyez séparé, à distance. Vous devenez observateur : au loin, dans la vallée, plein d’éclairs… la distance grandit de plus en plus… et un moment arrive subitement où vous n’êtes plus du tout lié à eux. L’identification est brisée, et à ce moment même, IMMÉDIATEMENT, la chaleur de l’emportement se transforme en tranquillité – la colère devient compassion.
Le sexe est un processus extrême, brûlant, l’amour non. Mais partout dans le monde les gens parlent de la ‘chaleur de l’amour’. L’amour n’est pas brûlant, l’amour est absolument cool, mais pas froid – il n’est pas froid parce qu’il n’est pas mort. Il est juste frais, comme une douce brise. Mais il n’est pas brûlant, pas chaud. À cause de l’identification de l’amour avec le sexe, l’idée est venue que l’amour devait être ‘chaud’.
Le SEXE est brûlant. C’est de l’électricité, et vous êtes identifié avec elle.
Plus il y a d’amour, plus il y a de fraîcheur – vous pourriez peut-être même trouver qu’un amour détendu est froid, mais cela vient de votre incompréhension, parce que vous croyez que l’amour doit être brûlant.
Il ne peut pas l’être. La MÊME énergie, quand il n’y a pas d’identification, devient fraîcheur, spontanéité, simplicité.
La compassion est détendue, et si votre compassion est encore brûlante, comprenez que ce n’est pas de la compassion. Il y a des gens qui sont trop ‘chauds’, et ils croient déborder de compassion. Ils veulent transformer la société, ils veulent changer les structures, ils veulent ceci et cela… ils veulent amener l’utopie dans le monde : les révolutionnaires, les communistes, les utopistes – ils sont très chauds.
Et ils se croient plein de compassion – non, ils n’ont que de la colère. Ils en ont changé l’objet. Leur colère n’a plus le même objectif, son objet est impersonnel – il est devenu la société, les structures de la société, l’état, la situation du monde. Ce sont des gens très ‘chauds’. Lénine, Staline, Trotski – ces sont des gens en ébullition, mais ils ne sont contre personne en particulier, ils sont contre les structures.
Gandhi était une personne enflammée – contre l’Empire Britannique. L’objet était impersonnel, c’est pourquoi vous ne pouviez pas voir qu’il était chargé de colère – mais c’était de la colère. Il voulait changer quelque chose dans le monde extérieur, et il voulait le faire immédiatement, si bien qu’il était impatient, au combat. Ce combat peut très bien choisir la non violence comme moyen, mais le combat lui-même est de la violence. La bataille elle-même est violence. Vous pouvez choisir de vous battre avec les moyens de la non violence – les femmes ont toujours fait ce choix. Gandhi n’a rien fait d’autre, il a simplement utilisé le truc des femmes.
Si un mari veut se battre, il va taper sur sa femme ; si la femme veut se battre, elle va se taper dessus, elle va taper sur elle ! C’est aussi vieux que la femme – et la femme est plus vieille que l’homme ! Elle va se mettre à se maltraiter elle-même, c’est sa façon de combattre. Elle est violente, violente contre elle. Et rappelez-vous : à battre une femme, vous allez vous sentir coupable, et tôt ou tard vous allez devoir faire demi tour et trouver un compromis. En se maltraitant elle-même, la femme ne se sent jamais coupable. Ainsi voici ce qui se passe : ou bien vous battez une femme et vous vous sentez coupable, ou bien elle se maltraite elle-même… et finalement c’est encore vous qui vous sentez coupable d’avoir créé une situation qui l’a amené à faire cela. Dans les deux cas… elle gagne !
L’Empire Britannique s’est retrouvé battu parce que c’était une force agressive mâle, et qu’il n’a pas pu comprendre cette approche féminine du combat utilisée par Gandhi : il décidait de jeûner jusqu’à ce que mort s’en suive – et le mental britannique se sentait extrêmement coupable. Du coup vous ne pouviez pas tuer cet homme, car il ne se battait pas du tout contre vous, il ne faisait que purifier sa propre âme – un vieux truc féminin, mais qui marche ! Il n’y aurait eu qu’une solution pour battre Gandhi, mais elle était impossible. Il aurait fallu que Churchill décide de jeûner jusqu’à ce que mort s’en suive, et c’était impensable !
Ou bien vous êtes emporté contre quelqu’un en particulier, ou bien vous l’êtes contre la structure sociale en général, mais l’emportement, l’ébullition, demeure.
Un Lénine n’est pas ‘la compassion’, ça ne se peut pas. Bouddha est compassion – il ne se bat contre rien, il se contente d’ÊTRE et il autorise les choses à être comme elles sont ; elles ont leur propre dynamique. Les sociétés changent d’elles-mêmes, il n’y a pas besoin de les changer ; elles changent tout comme les arbres changent selon les saisons. Les sociétés changent d’elles-mêmes – les vieilles sociétés meurent d’elles-mêmes, il n’y a pas besoin de les détruire ! Et de nouvelles sociétés naissent exactement comme naissent de nouveaux enfants, de nouveaux bébés - qui naissent d’eux-mêmes.
Il n’y a pas besoin de provoquer un avortement, il se produit automatiquement, de lui-même.
Les choses bougent et changent. Un homme réellement de compassion serait cool, il ne pourrait vraiment pas être un révolutionnaire, parce que la révolution nécessite un esprit, un cœur, et un corps, surchauffés !
Pas de contrôle, pas de projections sur l’autre, davantage de conscience immédiate – et alors la conscience glisse de la superficie à la profondeur, au centre.
Maintenant essayez de comprendre cette magnifique anecdote :
Étudiant Zen vint voir Bankei et lui dit : « MaÎtre, j’ai un caractÈre impulsif inGÉRable – comment puis-je y remÉdier ? »
Il a accepté le fait qu’il avait un caractère impulsif ingérable, et maintenant il veut se soigner. Quand il y a quelque chose qui ne va pas en vous, essayez d’abord de déterminer s’il s’agit vraiment d’un mal réel, d’une maladie ou s’il s’agit d’un malentendu, parce que s’il s’agit d’un problème réel, il peut être soigné, mais s’il n’est pas réel, juste une erreur d’interprétation, alors aucun médicament ne sera efficace. Au contraire, tout médicament qui vous serait donné serait nocif. Donc soyez absolument clair sur le diagnostic. Y a-t-il réellement quelque chose, ou êtes-vous seulement en train de fantasmer, croyez-vous seulement qu’il y a quelque chose ? Peut-être n’y a-t-il rien du tout, ce n’est peut-être qu’une erreur d’interprétation. Et vu comment l’être humain est perturbé, la plupart de nos maux n’existent pas – on ne fait que croire qu’ils existent.
Vous êtes, vous aussi, dans le même bateau, alors essayez ce comprendre cette histoire très profondément, cela peut vous aider :
« Je ne l’ai pas tout de suite » dit l’Étudiant, « je ne peux pas vous le montrer comme ça. » « Bon, alors » dit Bankei « apporte-le moi quand tu l’auras. »
« ça se produit sans prÉvenir, et je vais le perdre en chemin avant de pouvoir vous le montrer ! »
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